Par Pierre-Alain Furbury
Désormais numéro deux du parti Les Républicains, l’adjointe d’Alain Juppé à Bordeaux se défend d’avoir « trahi » et dit vouloir « peser sur la ligne ».
« Les lignes rouges d’Alain Juppé, ce sont les mêmes pour moi et pour de très nombreux électeurs de droite. Si elles avaient été franchies, je ne serais plus là. » Assise dans son bureau, au septième étage du siège du parti Les Républicains (LR), Virginie Calmels se dit « droite dans ses bottes », reprenant à son compte une formule célèbre de l’ex-Premier ministre de Jacques Chirac. L’actuel maire de Bordeaux, dont elle est la première adjointe, a pris ses distances avec sa formation politique ; elle épaule désormais Laurent Wauquiez , lui servant au passage de caution pour illustrer un rassemblement très écorné.
Mais pas question, plaide-t-elle, d’être instrumentalisée et encore moins de laisser la frange la plus droitière du parti l’emporter. Très libérale, pro-européenne, parfaitement à l’aise avec la mondialisation, la nouvelle première vice-présidente de LR, qui n’avait pas apprécié que le souverainiste Guillaume Peltier soit lui aussi propulsé vice-président (sa colère s’est soldée par la nomination d’un troisième, l’ancien centriste Damien Abad) affiche sa volonté de « peser sur la ligne » et de « faire bouger les lignes ». « Ce qui m’intéresse, c’est le projet », insiste cette « anti-étatiste », qui croit toujours « profondément » au projet présidentiel de François Fillon et promet d’utiliser son mouvement, DroiteLib , pour pousser des idées « disruptives ».
« Un ovni »
Dans le nouvel organigramme des Républicains, c’est peu dire que Virginie Calmels détonne. « Elle est différente. C’est un ovni », s’amuse-t-on au sein de la droite, où l’on célèbre son franc-parler et son pragmatisme, tout en se méfiant de son ambition. Elle est, de son propre aveu, « la dernière arrivée au bureau politique » de LR et « la moins rompue au fonctionnement d’un parti ». Et même si elle a « appris très vite », selon un poids lourd du parti, elle commet encore parfois des maladresses, comme lorsqu’elle a affirmé à la télévision, le jour de l’élection de Laurent Wauquiez , que la droite refusait tout accord avec le FN « pour le moment ».[
Novice en politique, elle n’a rejoint Alain Juppé qu’à l’occasion des élections municipales de 2014 et a mené sa première bataille (perdue, mais avec les honneurs) aux régionales de 2015 en Nouvelle-Aquitaine, où elle était tête de liste de la droite et se posait en « dame de faire »(une allusion à la « Dame de fer », Margaret Thatcher). Et cela ne fait que deux ans qu’elle a sa carte du parti. « Elle a une certaine naïveté en politique. Elle pense encore que quand on deale, on deale… », lâche un ténor du parti, qui la dit « plus dealeuse que tueuse ».
La culture du privé
Directe et pragmatique, cette diplômée de l’ESC Toulouse et de l’Insead, qui s’apprête à fêter ses quarante-sept ans et était jusque-là adoubée par Alain Juppé pour lui succéder, reste foncièrement dans la culture du privé, cette « économie réelle », où elle a fait l’essentiel de sa carrière, au pas de charge et à haut niveau : directrice financière de Numericable, directrice générale de Canal+, PDG d’Endemol France puis directrice générale d’Endemol monde avant de créer sa société de conseil et d’investissements, Shower Company. Pas du tout la culture publique de Laurent Wauquiez. Elle s’y est forgée une image de « négociatrice redoutable » et de « cost-killeuse sans états d’âme ».
« Ce n’est pas une sentimentale. C’est une battante, avec un côté très aventurier. Elle est courageuse, va au combat et n’aime pas échouer », confie un de ses proches. « Est-ce que j’ai la capacité à prendre des décisions difficiles ? Oui. Est-ce que je suis capable de mener à bien des plans sociaux ? Oui. Est-ce que j’ai la main qui tremble ? Non. Mais ce sont les qualités classiques d’un dirigeant… Quand on me confie une mission, je suis attachée à la mener à bien », explique l’intéressée, qui dit « aimer les chiffres » et « les responsabilités ».
« Si besoin est, j’ai une vie après la politique »
Ce parcours, qui lui vaut d’avoir un carnet d’adresses impressionnant dans le monde de l’entreprise, lui confère un atout de taille dans sa nouvelle vie : une très grande liberté.« Si besoin est, j’ai une vie après la politique », souligne celle qui siège toujours au conseil d’administration de Free et d’Assystem. « Nathalie Kosciusko-Morizet était prête à tout, sauf à quitter la politique. Elle, elle est prête à tout, même à quitter la politique. C’est sa grande force et c’est pour cela qu’elle peut donner du fil à retordre… », observe un parlementaire de renom, qui se demande surtout, comme beaucoup, pourquoi elle n’a pas rejoint La République En marche : « Elle vit comme Macron, pense comme Macron, fonctionne comme Macron ».
« Je n’ai rien trahi »
Virginie Calmels a bien été tentée (elle dit avoir été approchée quand ses détracteurs affirment qu’elle a proposé ses services), mais elle souligne ses différences avec lui sur les questions régaliennes et le rôle de l’Etat. Et cette fille de Pied-noir dit avoir en travers de la gorge les propos du candidat sur la colonisation, qualifiée de « crime contre l’humanité ». « Dans ma vie, je me suis plus engagée sur des idées que sur des personnes. Et j’ai dit non un grand nombre de fois… », affirme-t-elle, niant vigoureusement « tout plan de carrière » et avoir « jamais rêvé être président de la République ». « Je n’ai rien trahi, ni personne. Sur mes convictions, je n’ai pas bougé d’un iota », se défend-elle encore.
« Elle n’a pas les dents qui rayent le plancher. Mais elle veut être traitée à sa juste valeur, à un niveau qu’elle estime élevé », lâche un élu. Virginie Calmels, elle, dit « adorer » une citation de l’ancien président américain Thomas Jefferson : « Plus je travaille, plus la chance me sourit ». Reste à savoir si ce sera une fois encore le cas. Dans tout « tandem », ce duo qu’elle affirme constituer avec Laurent Wauquiez, ils sont deux à pédaler, mais un seul tient le guidon…