INTERVIEW. Cheffe d’entreprise, ancienne adjointe d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux entre 2014 et 2019 et ex numéro 2 de LR, Virginie Calmels a vu sa candidature à la présidence des Républicains rejetée par la Haute Autorité du parti, au motif qu’elle n’était pas à jour de cotisation au 22 juillet 2022. Elle dénonce des « manœuvres grossières » et menace de saisir la justice.
Pourquoi contestez-vous votre exclusion du processus pour la désignation du président de LR ?
Après avoir déclaré ma candidature le 23 août, j’ai reçu le 27 août une lettre de la Haute autorité du parti m’indiquant que cette candidature n’était pas recevable. Le motif : je ne serais pas à jour de cotisation au 22 juillet 2022. La Haute autorité se référait à un guide électoral validé par le bureau politique du 19 juillet et mis en ligne sur le site du mouvement. Or, primo, j’avais renouvelé ma cotisation le 1er novembre 2021 – et tout le monde sait, de par les statuts, le règlement intérieur et les pratiques en vigueur au sein du parti, que les adhérents renouvellent leur cotisation à date anniversaire, et non pas au 1er janvier. Ce qui veut dire que j’étais bien à jour de cotisation jusqu’au 31 octobre 2022. Pour les besoins de la cause ils n’hésitent pas à changer les règles et soutenir que seuls ceux qui ont payé au 1er semestre 2022 sont à jour de cotisation.
Deuxio, la Haute autorité reconnaît elle-même que le fameux guide électoral qui permettait à ceux qui n’étaient pas à jour le 30 juin de régulariser jusqu’au 22 juillet a été publié le 25, jour de son envoi par mail aux adhérents, soit 3 jours après la date butoir. Cette prorogation ayant été décidée le 19 juillet par le Bureau Politique, seuls ses membres pouvaient régulariser la situation. En ce qui concerne les autres adhérents, dont moi, c’était retour vers le futur car ils nous annoncent le 25 juillet que nous avons… jusqu’au 22 juillet pour régulariser !
Tertio, bien que j’ai jusqu’au 31 octobre 2022 pour renouveler ma cotisation, au vu de leurs manigances j’ai tout de même décidé de la renouveler le 26 juillet : j’avais alors reçu un email des Républicains me remerciant d’avoir renouvelé mon adhésion. Et pourtant, le 27 juillet, je recevais un autre mail des Républicains m’indiquant que je n’étais pas à jour de cotisation… Il vaut mieux en rire !
Le droit, selon vous, n’aurait pas été respecté ?
Il apparait clair que ma candidature n’est visiblement pas la bienvenue. Dès le mois de juillet, j’ai immédiatement compris le bidouillage auquel était en train de se livrer la direction du parti. C’est parce que j’avais anticipé ces manœuvres grossières que tous ces échanges de mails et la mise en ligne des documents sur le site internet des Républicains ont donné lieu à des constats d’huissiers.
Mais pourquoi la direction du parti chercherait-elle à vous exclure ?
Je suis frappée par le fait que dans le monde politique, on semble ne pas apprécier la concurrence. Une femme libre, cheffe d’entreprise, qui ne vit pas de la politique et qui s’engage à titre bénévole pour la présidence du mouvement, afin de tenter de reconstruire ce parti à la dérive pour éviter que le Rassemblement National n’arrive au pouvoir dans cinq ans, n’est clairement pas la bienvenue. A croire que ceux qui ont mis le parti dans cette situation catastrophique où l’on est passé de 20% à la présidentielle de 2017 à moins de 5% en 2022 veulent rester dans l’entre soi. On ne change pas une équipe qui perd !
La compétition pour la présidence de LR, selon vous, est donc faussée ?
Au-delà de mon cas particulier, l’objectif de la manœuvre est clair : il s’agit de priver de leurs droits les très nombreux adhérents qui s’étaient mobilisés pour la primaire de 2021, gagnée par Valérie Pécresse. Il n’a échappé à personne que le nombre d’adhérents sur lequel le parti a communiqué est passé de 132 000, à la fin décembre 2021, à 48 000, fin juin 2022… Plus de 60% des adhérents ont ainsi été privés de leurs droits élémentaires, dont celui de parrainer un candidat, et d’être eux même candidats. L’objectif est d’arriver à un corps électoral plus faible, et donc plus maîtrisable.
Quel candidat cette manœuvre est-elle censée favoriser ?
A qui profite le crime ? Eric Ciotti avait recueilli plus de 10 000 voix à la primaire, et sa fédération des Alpes maritimes pèse très largement dans le nombre d’adhérents ayant renouvelé leur cotisation au 30 juin… Pour être claire, il me semble qu’un scénario bien huilé était écrit d’avance, consistant à installer Eric Ciotti à la présidence du parti afin de mettre en orbite Laurent Wauquiez pour 2027.
Vous contestez cette stratégie ?
J’ai clairement exprimé mon opposition à désigner d’ores et déjà le candidat pour la présidentielle de 2027. L’état du parti nécessite que l’on mette toute notre énergie à le reconstruire pour renouer avec les succès électoraux aux sénatoriales de 2023 et aux européennes de 2024. L’heure ne me semble donc clairement pas à la désignation de notre champion pour 2027. D’autant que Laurent Wauquiez n’est pas le seul prétendant. Notre famille politique a beaucoup d’autres talents, dont Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou David Lisnard… Je comprends donc que ma candidature est arrivée comme un cheveu blond dans la soupe des barons. Il me semble pourtant que la ligne que je défends remporte une large adhésion auprès des militants.
Les positions d’Eric Ciotti ne vous semblent donc pas de nature à permettre la reconstruction de la droite ?
Non seulement on subit une érosion massive des électeurs, on restreint le nombre des adhérents, mais plus grave encore on va vers un rétrécissement de la ligne politique. Gilles Platré, le maire de Chalon sur Saône, l’a écrit dans un tweet le 27 juillet : « aux militants de trancher la ligne et à ceux qui ne la suivent pas de prendre la porte ». Il indique clairement que l’objectif de certains est de poursuivre dans cette ligne excluante très droitière et mortifère que j’avais déjà dénoncée dans le passé. Je rappelle qu’Eric Ciotti a déclaré qu’entre Macron et Zemmour, il voterait Zemmour… Et que Bruno Retailleau est très proche de la Manif pour tous et de Sens Commun passé dans le camp Zemmour. Je ne veux pas que LR devienne un clan et finisse en supplétif de Zemmour ou de Marine Le Pen ! La ligne que je défends est au contraire équilibrée, créative, ouverte et, parce qu’elle sera rassembleuse, gagnante. La droite à laquelle je crois est l’héritière de ceux qui, de De Gaulle à Sarkozy en passant par Chirac, n’ont jamais pactisé avec l’extrême droite. Cette droite de l’autorité et de la liberté, qui veut plus d’Etat sur les fonctions régaliennes et moins d’Etat en économie, doit être équidistante d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen.
Que feriez-vous si d’aventure vos arguments n’étaient pas entendus ?
Mon avocat a immédiatement répondu à la Haute autorité du parti par une lettre de trois pages démontrant la validité de ma candidature. La Haute Autorité n’a pas cru bon à ce jour de répondre sur le fond à l’argumentation juridique détaillée de mon avocat, preuve qu’elle est incapable de contester nos arguments. Je lui laisse le temps de se ressaisir et de reconnaître ses erreurs afin de valider ma candidature.
Et sinon ?
Outre mon cas personnel, il s’agit aussi d’une privation de droits pour des dizaines de milliers d’adhérents. Je ne suis pas d’un tempérament à tomber dans la compromission ni à accepter ces petites manipulations. Le Parti a bien besoin d’être assaini de ces tristes manigances et je me réserve donc le droit d’ester en justice.