« Je propose de créer un monde de gouvernement innovant : la « cohabilitation ». Un système entre celui de la coalition à la scandinave ou à l’israélienne et celui de la cohabitation à la française. Ce serait le seul système cohérent permettant à la fois de faire avancer le pays malgré la complexité de la situation politique actuelle, de tenir compte de la volonté de la majorité des électeurs et de maintenir à l’écart les positions extrémistes irréconciliables. »

L’ancienne numéro deux des Républicains Virginie Calmels invite Emmanuel Macron à s’entendre avec la droite républicaine pour gouverner autrement. Une tribune publiée dans Le Point le 22 juin 2022, à la veille du second tour des élections législatives.

 

Depuis dimanche, la France vit une situation politique inédite sous la Ve République. Emmanuel Macron est désormais forcé de composer avec une absence de majorité qui le condamne à trouver, « quoi qu’il en coûte », des accords pour éviter au pays de sombrer dans un intolérable immobilisme.

Face à lui, les extrêmes de gauche comme de droite s’apprêtent, armes politiques en bandoulière, à l’empêcher d’agir en représentant près de 250 députés sur 577.

Au centre de ce champ de bataille parlementaire se trouve la droite républicaine, la droite de gouvernement que l’on croyait vouée à disparaître et qui apparaît désormais comme la seule force politique capable de résoudre l’impossible équation.

Il est évident que les députés LR qui ont vaillamment triomphé dimanche dernier, s’opposant au macronisme, n’ont nulle envie de se perdre dans une alliance bancale en jouant les béquilles ou les supplétifs du président. Ils ne veulent nullement trahir leurs électeurs. Et ils anticipent une dissolution à l’occasion de laquelle ils ne veulent évidemment pas disparaître. On peut donc comprendre la position exprimée par le président du parti des Républicains, Christian Jacob, et de la grande majorité du comité stratégique de LR.

Macron n’aurait pas été élu sans les électeurs de droite

Cependant, les électeurs de droite qui ont voté pour Emmanuel Macron à la présidentielle en considérant qu’il était le vote utile face à la poussée des extrêmes et/ou le meilleur des candidats, et qui, pour beaucoup d’entre eux, sont revenus vers les candidats des Républicains aux législatives, ainsi que les acteurs économiques habitués au pragmatisme ne comprendraient pas que la droite de gouvernement refuse d’assumer ses responsabilités et tourne le dos à toute discussion constructive avec le chef de l’État réélu.

Et Emmanuel Macron ne doit pas oublier qu’il n’aurait pas été élu sans les électeurs de droite.

En effet, les enjeux actuels, comme le niveau ahurissant de la dette, celui des prélèvements obligatoires, la hausse du coût de l’énergie, le retour de l’inflation, la colère justifiée des classes populaires, la crise de notre système de santé, l’insécurité, l’immigration insuffisamment contrôlée, démontrent que l’État ne peut pas se permettre d’être à l’arrêt ni même de fonctionner au ralenti.
La situation actuelle nécessite de privilégier la créativité, de favoriser des solutions innovantes et originales, loin des vieilles ficelles politiciennes ou d’une vision parfois trop technocratique.

C’est pourquoi, afin de tenir compte de la situation exceptionnelle imposée dimanche par le peuple français, et pour éviter de paralyser notre pays, il est absolument nécessaire de proposer une approche nouvelle. Une approche qui ne soit pas celle du modèle allemand de la coalition, car trop éloignée des traditions françaises et trop dangereuse dans sa mise en œuvre avec le risque planant d’une dissolution à tout instant. Ni une approche qui soit celle de la cohabitation, même si les Français l’ont plébiscitée en son temps, au regard du faible score de la droite à la présidentielle et de la taille de son groupe à l’Assemblée nationale.

Dès lors, il convient d’emprunter une autre voie, celle qui ne trahit pas les électeurs de la droite tout en permettant à l’État de fonctionner et aux réformes indispensables d’être votées.

Négocier avec Gérard Larcher

C’est pourquoi je propose de créer la « cohabilitation », un système entre celui de la coalition à la scandinave ou à l’israélienne et celui de la cohabitation à la française. Ce serait le seul système cohérent permettant à la fois de faire avancer le pays malgré la complexité de la situation politique actuelle, de tenir compte de la volonté de la majorité des électeurs et de maintenir à l’écart les positions extrémistes irréconciliables.

Ce mode de gouvernement innovant conduirait le président de la République à nommer un Premier ministre en accord avec la droite républicaine et à se mettre d’accord avec elle sur un programme clair de gouvernement en définissant, par exemple, le contenu des dix premières réformes clés pour le quinquennat.

Christian Jacob souhaitant quitter ses fonctions de président des Républicains, Gérard Larcher, le président du Sénat, deuxième personnage de l’État et personnalité républicaine incontestable, ne serait-il pas alors tout désigné pour, d’une part, négocier, en s’adjoignant les représentants principaux du parti LR, un tel accord et, d’autre part, participer auprès du président de la République à la désignation du prochain Premier ministre ?

Avoir le sens de l’État n’est-ce pas aussi mettre de côté les rancœurs passées, les joutes politiciennes et les obsessions partisanes pour faire, de part et d’autre, un pas vers l’adversaire d’hier dans le plus pur intérêt de la France ?