Tribune publiée dans Les Echos.

La politique française envisage trop souvent les problèmes de demain avec les réflexes d’hier.

La « taxe robot » voulue par Benoît Hamon serait nocive pour notre économie et dangereuse pour l’emploi.

La politique française envisage trop souvent les problèmes de demain avec les réflexes d’hier. Benoît Hamon, vainqueur de la primaire de gauche, n’échappe pas à la règle quand il propose sa « taxe robot » qui vise à faire contribuer les machines à la protection sociale. L’idée sous-jacente est claire : luttons contre les systèmes mécanisés et autonomes qui mettent l’humain de côté et menacent les emplois.

Ces critiques ne sont pas nouvelles. Déjà au XIXe siècle en Grande-Bretagne, les luddites s’attaquaient aux premières machines de la révolution industrielle pour, disaient-ils, préserver leurs emplois peu qualifiés. Aujourd’hui, à l’instar du candidat socialiste, certains reprennent le flambeau pour critiquer la technologie dans son ensemble, tapant du même coup sur les caisses automatiques et la domotique, en passant par l’intelligence artificielle. A titre personnel, je réitère cette idée simple : non, les robots ne détruisent pas nos emplois. Et j’invite les responsables politiques à ne pas céder aux peurs faciles.

1 emploi sur 4 créé par Internet

Nombreuses sont les études qui me confortent dans cette conviction – un récent rapport du cabinet McKinsey indique que 25 % de nos emplois ont été créés par Internet – et les cas concrets ne manquent pas. Je pense par exemple à l’introduction des distributeurs automatiques de billets dans le secteur bancaire. Aux États-Unis, ceux-ci se sont multipliés pour un impact a priori évident : le nombre d’employés moyen par agence est passé de 20 à 13 entre 1988 et 2004. Un constat d’emblée alarmant qui ne saurait pourtant masquer l’effet indirect d’une telle mutation.

En baissant le nombre d’employés, les distributeurs automatiques ont rendu les agences moins coûteuses et ont ainsi permis aux banques d’ouvrir un plus grand nombre d’entités pour répondre à la forte demande de proximité des clients. Ainsi, sur la même période considérée, le nombre d’agences a progressé de 43 %, augmentant du même coup le nombre total d’employés. On le voit, suivant le principe de la destruction créatrice, une logique vertueuse se dessine : la réduction des coûts et la diversité du service favorise la demande. C’est cette dernière qui, au final, favorise l’emploi.

Une taxe qui freinera notre compétitivité

Soyons donc clairs : cette « taxe robot » serait nocive pour notre économie et dangereuse pour l’emploi, car taxer la valeur ajoutée revient à décourager l’innovation et la productivité. Elle constitue surtout un frein à la compétitivité de nos entreprises, qui reculeront à utiliser une ressource extrêmement intéressante et privilégiée à l’étranger, notamment dans les « pays ateliers », qui attirent de plus en plus d’investissements. La robotisation n’est pas une menace. Les filières de la robotique sont vastes et en perpétuelle évolution : elles touchent des secteurs qui amélioreront directement nos vies, comme la santé avec les robots d’aide médicale.

Contrairement à Benoît Hamon, qui tente de protéger ce qui tendra naturellement à disparaître, je ne suis pas conservatri­ce, je crois au progrès et j’ai la conviction que le politique doit apporter des réponses constructives aux mutations auxquelles nous faisons face. C’est pourquoi j’encourage le développement de la formation, élément indispensable aujourd’hui et demain : nous devons nous former à l’utilisation de ces technologies, mais aussi à leur conception, leur maintenance et leur optimisation. Il ne faut pas laisser cette problématique aux générations futures, mais la traiter dès maintenant en assumant l’ambition de vouloir tenir notre rang dans l’économie mondiale.

Enfin, cessons de vouloir à tout prix taxer tout et n’importe quoi pour combler notre dette, alors même que nous n’avons pas le courage de réduire nos dépenses. Si nous voulons transformer l’essai de la robotisation et des nouvelles technologies, nous ne pouvons pas nous permettre de taxer davantage les entreprises.

Virginie Calmels est fondatrice de DroiteLib