Virginie Calmels a publié cette tribune le 26 juin 2021 dans Le Figaro.
Mis en place en 2018, Parcoursup avait pour but de mettre fin au tirage au sort à l’université. Virginie Calmels estime au contraire que l’algorithme est déshumanisant et empêche la méritocratie d’advenir.
Parcoursup, une méthode de sélection considérée injuste
Parcoursup laisse-t-il vraiment le choix de leur avenir aux milliers de jeunes inscrits sur la plateforme ? « Dans la liste d’appel », « dans la liste d’attente », « oui si », « oui – en attente d’une place » … Voici quelques-unes des réponses reçues par les lycéens lors du rendu des premières propositions d’orientation. Elles ont de quoi décourager… même les plus motivés.
En effet, comment expliquer à un lycéen que ce n’est pas sa motivation, ses qualités ou ses aptitudes, mais plutôt un algorithme qui décidera de son avenir ? Aurions-nous l’idée d’appliquer le même système dans un quelconque autre segment de notre vie ? Laisserions-nous une intelligence artificielle décider des entreprises où candidater, de la ville où déménager, du talent à embaucher ? C’est peu probable. D’autant que cette méthode de sélection est considérée comme particulièrement injuste, car ayant introduit des biais permettant de privilégier certaines catégories d’élèves au détriment d’autres. Les étudiants eux-mêmes élèvent leurs voix contre les iniquités constatées : comment expliquer que des élèves avec d’excellents résultats se retrouvent refusés dans tous leurs vœux favoris, à l’instar de Samuel Dana refusé de toutes les classes préparatoires dans Parcoursup alors qu’il affichait une moyenne en maths en terminale de 18,5/20 et un QI de 152 lui ayant permis de sauter la classe de première, mais consécutivement et malheureusement ne lui ayant donc pas permis de fournir les bulletins de première exigés par le système ?
Les implications d’une telle faille sont évidentes : elles éloignent de l’objectif d’orientation et de méritocratie, fondements de notre système éducatif. Mais alors, pourquoi faire subir ce système de sélection aléatoire à des centaines de milliers de jeunes ?
En persévérant dans un tel système déshumanisé, l’enseignement s’expose à un autre risque : celui de la fuite des talents.
Jamais, que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle, ils ne seront à nouveau confrontés à une telle loterie. Et pour cause… Dans le monde professionnel par exemple, quelle entreprise oserait recruter un talent sans jamais l’avoir rencontré ? La sélection passe quasi systématiquement par un entretien, seule étape vraiment à même d’évaluer de manière équitable les aptitudes et qualités d’un candidat dans leur ensemble. Car, au-delà des résultats scolaires, n’est-ce pas aussi la motivation, le savoir être, les passions, la personnalité qui sont pris en compte dans la vie réelle ?
En persévérant dans un tel système déshumanisé, l’enseignement s’expose à un autre risque : celui de la fuite des talents. Devant des résultats aléatoires, un algorithme peut décourager les élèves, même les meilleurs. Ces derniers font parfois le choix de se tourner directement vers l’étranger, exposant ainsi la France à une fuite regrettable de ses jeunes les plus motivés.
À mon sens, le véritable progrès serait de parvenir à doser l’humain et la technologie, de façon à ce que l’un contrebalance les irrégularités de l’autre… En aucun cas, il ne s’agit de confier aveuglément l’avenir de plusieurs générations à une intelligence artificielle incapable de bon sens et d’esprit critique. En ce sens, le contact humain ne doit jamais être sous-estimé.
Hors Parcoursup, un certain nombre de formations ont déjà intégré cette logique. Plus que les notes ou les appréciations – dont la pertinence et l’objectivité sont largement discutables, surtout en temps de pandémie –, elles s’appuient sur un entretien pour évaluer la motivation et sur des tests cognitifs pour mesurer les aptitudes et surtout le potentiel d’avenir plus que les performances passées. En donnant la même chance à tous, ces formations rendent tout leur sens aux termes «d’égalité des chances» et «d’orientation». Et si tout au long de sa scolarité l’étudiant est accompagné afin de lui permettre de bénéficier de l’enseignement le plus adapté à ses compétences et à ses goûts, en d’autres termes s’il bénéficie de la meilleure orientation possible, alors la réussite sera assurée. Les métiers d’aujourd’hui ne seront pas ceux de demain, et il est de notre devoir de faire évoluer les systèmes de sélection et les enseignements post-bac en conséquence. L’orientation de nos jeunes ne peut reposer sur un unique algorithme.