Virginie Calmels est co-signataire de cette tribune publiée dans les Echos le 30 novembre 2021, en faveur d’un code européen du droit des affaires

L’Union européenne à 27 compte un grand nombre d’entreprises, environ 23 millions, mais leur taille est modeste : seules 3% d’entre elles ont plus de 19 salariés. Leur donne-t-on donc assez de moyens de se développer au-delà de leurs frontières ? La question mérite d’être posée : alors que la Communauté économique européenne existe depuis 1957, les entreprises se heurtent aujourd’hui à 27 législations nationales, qui demeurent hétéroclites dans une matière aussi importante que le droit des affaires.

Ces entreprises qui, en Europe, embauchent et investissent pour la prospérité de tous, et dont on aimerait qu’elles fassent encore davantage pour consolider la reprise économique actuelle, sont donc, depuis plus de 60 ans, freinées dans leur développement par des obstacles inutiles et coûteux. Est-ce un sujet nouveau ? Certes non : tant la Commission européenne que le Président de la République française avaient appelé en 2017 à un droit unifié des affaires, un projet également explicitement mentionné dans le Traité d’Aix-la-Chapelle conclu en 2019 entre la France et l’Allemagne.

Et depuis, la pandémie nous a montré la formidable réactivité dont ont été capables les autorités nationales et européennes pour protéger les citoyens, en utilisant notamment les leviers monétaire et budgétaire : en aurait-on néanmoins mésestimé le rôle fondamental que jouent, pour la prospérité du continent, les règles du jeu entre les entreprises, elles qui sont pourtant les premières créatrices de richesses ?

La France, qui présidera le Conseil de l’Union européenne de janvier à juin 2022, a une chance historique pour peser sans tarder sur l’orientation des priorités qui seront celles de l’Europe au cours des prochaines années. Cette présidence tournante constitue pour Paris une opportunité pour porter ce projet et contribuer à l’émergence d’un consensus sur l’unification du droit des affaires, qui est à la fois un sujet d’intérêt général européen et une orientation en phase avec le discours de la Sorbonne du Président de la République.

L’idée d’un droit du commerce unifié repose sur le seul bon sens : les promesses de l’euro, la souveraineté de l’Europe et l’émergence de grands champions ont tous besoin de lisibilité et de simplicité des règles, et non de complexités contre-productives pour les entreprises et leurs salariés. Lever ces inutiles barrières juridiques permettrait non seulement davantage d’emplois en Europe, mais offrirait au reste du monde l’occasion de porter un autre regard sur notre continent : celui de pays où beaucoup d’autres entreprises peuvent venir s’établir et échanger plus aisément, à l’image de l’environnement juridique existant depuis des décennies entre les Etats fédérés qui constituent les Etats-Unis.

Ce projet, que la France pourrait porter avec l’Allemagne et de nombreux autres Etats sur la seule base du volontariat, rassemblerait ou harmoniserait progressivement un nombre croissant d’outils juridiques communs, et qui demeureraient dans tous les cas optionnels pour les entreprises. Très concrètement, il pourrait s’agir par exemple de faire émerger le statut d’une société européenne simplifiée, esquissé en mars dernier dans un rapport du Haut comité juridique de la Place financière de Paris, afin d’offrir aux entrepreneurs existants ou à venir une sécurité et un moindre coût dans leur développement.

Voilà aussi comment valoriser le travail et le partage des richesses dans un continent qui doit faire reconnaître son attractivité et sa puissance économique et sociale aux yeux du monde.