TRIBUNE. La vice-présidente des Républicains Virginie Calmels critique la volonté de l’ancien député LR Thierry Mariani de s’allier au Front national.

Nous n’avons rien en commun ». Pour Virginie Calmels, une alliance entre son parti et le Front national est impensable. La vice-présidente des Républicains liste dans une tribune les points de désaccords entre les deux organisations politiques : Europe, identité, économie… La première adjointe au maire de Bordeaux s’oppose frontalement à l’ancien député LR Thierry Mariani qui estimait dans le JDD qu’un accord avec le FN était indispensable pour que les Républicains se retrouve des « alliés ». Dans une tribune co-signée avec des élus FN et publiée le 12 avril dans Valeurs actuelles, il défend « l’unité de la droite ». Une ligne qui n’est pas partagée par Virginie Calmels qui se refuse à toute alliance avec le Front national, un parti « aux mesures irréalistes » selon elle.

« Dans un interview donné au JDD le 10 mars dernier, Thierry Mariani défendait l’idée d’une alliance de la droite et du Front national. Ce jeudi 12 avril, l’expérience a été renouvelée, avec une tribune signée dans Valeurs actuelles aux côtés d’élus frontistes appelant à une « union des droites ». Cette alliance serait pour moi bien plus qu’une erreur, ce serait une faute pour un parti politique qui a toujours veillé à ne pas tomber dans la démagogie et l’intolérance. Nous n’avons rien en commun, ni sur les valeurs, ni sur l’ambition. Il suffit de regarder le projet de Marine Le Pen pour s’en rendre compte : il est aux antipodes de ce que nous proposons.

Des divergences sur la notion d’identité

D’abord sur l’identité nationale. Pour le Front national, l’identité est une notion exclusive, et l’étranger ne peut être qu’un ennemi, ou un bouc émissaire commode de tous les maux de notre pays. Chez les Républicains, nous défendons une identité qui ouvre au monde et dont nous pouvons être fiers. Bien sûr que nous assumons nos racines chrétiennes, notre culture héritée tant de Jeanne d’Arc que des Lumières : c’est même à mon avis ce qui fait la force d’être Français, avoir confiance en notre destin en raison de la puissance de notre histoire, et ne pas chercher d’échappatoire en rejetant constamment la faute sur les autres. Comme le disait si bien Romain Gary : « le patriotisme c’est l’amour des siens, le nationalisme c’est la haine des autres ». Nous sommes des patriotes.

« Le Front National fait l’exploit d’être à la fois dangereux et contradictoire »

Et puis il y a l’Europe. Le Front National fait l’exploit d’être à la fois dangereux et contradictoire. Parce que si Marine Le Pen appliquait le programme qu’elle a défendu pendant 5 ans, notre dette exploserait, le déficit avoisinerait les 10%, et notre pays se retrouverait ainsi, comme la Grèce il y a peu, aux mains des financiers et des investisseurs étrangers, sans trop savoir si l’écu ou le franc aurait remplacé l’euro. Nous serions alors pieds et poings liés, obligés de négocier notre dette sous la tutelle du FMI, de la commission européenne et de la BCE. Comme moyen pour retrouver notre souveraineté, il y a mieux.

Enfin, il y a l’économie. Sur le sujet, comment ne pas remarquer que le Front national a beaucoup plus d’accointances aujourd’hui avec Jean-Luc Mélenchon et la France insoumise qu’avec les Républicains? Maintien des 35 heures, retraite à 60 ans, retrait de la zone euro, hausse du nombre de fonctionnaires, hausse de la dépense publique évaluée à près de 145 milliards d’euros pour le programme de Marine Le Pen et à 200 milliards d’euros pour celui de Jean-Luc Mélenchon. Thierry Mariani lui-même assurait ainsi publiquement en 2015 que le FN avait « des positions de gauche archaïque sur le social », ou encore dans un interview du 30 avril 2017, que la  « position de Marine Le Pen sur les sujets économiques la disqualifiait » et que sa position « était suicidaire ». Et je ne crois pas au soudain coup de baguette magique qui rendrait le programme économique socialiste du FN plus acceptable.

Alors quoi de commun entre Les Républicains et le Front National? Ce n’est pas parce que nous partageons le constat d’une crise migratoire et d’un affaissement de l’autorité de l’État que nous préconisons, loin de là, les mêmes solutions.

Des annonces prochaines de Laurent Wauquiez sur l’immigration

Oui, c’est vrai, nous partageons avec tous ceux qui ne s’aveuglent pas par idéologie ou par complaisance le constat actuel : la montée pressante du salafisme en France, notamment dans les territoires perdus de la République, la résurgence d’un communautarisme inquiétant qui fait le lit du terrorisme, la hausse significative des crimes antisémites et la confrontation à un défi migratoire qui ne va que s’aggraver dans les années à venir : 262 000 titres de séjour ont été délivrés en 2017 en France, soit un nouveau record depuis 40 ans, près de 100.000 demandes d’asile ont été formulées, alors que seuls 4% de ces déboutés sont reconduits à la frontière. Une folie dans le contexte actuel où nous avons 9 millions de pauvres et presque 6 millions de chômeurs.

Pour répondre à ces questions urgentes et essentielles pour notre pays, la droite républicaine a justement des idées, des propositions, concrètes, fermes et applicables qu’en matière de lutte contre l’immigration Laurent Wauquiez annoncera mercredi.

Face au terrorisme et à l’islamisme radical, nous souhaitons la fermeture des mosquées salafistes, l’expulsion des imams radicaux, l’obligation des prêches en français, l’interdiction des financements des lieux de cultes musulmans par des pays étrangers, la dissolution des Frères musulmans, l’expulsion des étrangers ayant commis des crimes, l’expulsion des fichés S étrangers et des plus radicalisés, l’interdiction du retour de ceux partis en Syrie, etc. La droite ne pliera pas sur ces sujets majeurs et saura toujours s’opposer tandis que le gouvernement accepte que 100 imams étrangers viennent d’Algérie pour le Ramadan.

« Ainsi donc, la supercherie ne serait pas qu’au niveau économique, mais également sur la question de la lutte contre le terrorisme ? »

Mais en face, que propose le FN? Il alterne entre des mesures irréalistes, comme l’immigration zéro, et l’opposition à des mesures essentielles à notre sécurité : par le passé, il a voté contre les principales mesures antiterroristes demandées par nos services : opposition à la loi sur le renseignement, opposition à la surveillance des sites djihadistes sur Internet, opposition répétée à Bruxelles à la création d’un PNR (Passenger Name Record, le fichier européen de surveillance des passagers aériens). Ainsi donc, la supercherie ne serait pas qu’au niveau économique, mais également sur la question de la lutte contre le terrorisme? Quand on voit de tels écarts dans le projet, on voit ce que serait cette « alliance » : une énième tambouille politicienne.

La nécessité d’une pluralité d’opinions chez Les Républicains

Si les Français boudent la politique, c’est qu’ils n’en peuvent plus d’assister à des petits arrangements politiciens au mépris des convictions et des cohérences des hommes et femmes politiques, au bénéfice de leurs intérêts personnels et de leurs quêtes de poste. Certains ont trahi la droite pour un maroquin ministériel chez Macron, d’autres la trahiraient pour un poste de député européen chez Le Pen? Décidément, le vieux monde s’accroche, avec sa logique d’alliance des appareils, qui malheureusement a du mal à céder la place à une logique d’idées.

Je crois à la pluralité des sensibilités au sein de la grande famille de la droite et du centre Les Républicains, mais à condition de nous rassembler sur les valeurs et le socle programmatique régalien, économique, éducatif et européen. Je ne crois nullement au mariage de la carpe et du lapin et pas plus aux accords électoralistes qui par pure volonté de gagner supplanteraient nos valeurs. Les Français ne s’y tromperaient d’ailleurs pas.

« Ne rien concéder sur nos valeurs, ni à Le Pen ni à tout autre : c’est cela la droite de demain »

Alors bien sûr, le FN s’inquiète de voir que Les Républicains avec Laurent Wauquiez ont décidé de parler à tous les Français, y compris à notre ancien électorat énervé de voir que la droite parlait à la droite mais gouvernait surtout au centre. Bien sûr que le FN s’inquiète qu’on ne s’excuse plus de parler d’immigration, de sécurité ou de lutte contre le communautarisme alors que la « bien-pensance » de gauche a voulu jeter l’anathème sur ces sujets.

Le modèle à suivre c’est celui de Nicolas Sarkozy en 2007 qui avait réussi pour la première et unique fois à endiguer la progression inexorable du FN depuis les années 1980. À nous de faire vivre le débat d’idées, d’émettre des propositions concrètes et crédibles pour répondre aux attentes des Français. C’est la marque de fabrique du parti dirigé par Laurent Wauquiez. À nous désormais de redevenir crédibles aux yeux des Français et de renouer la confiance avec eux. Ne rien concéder sur nos valeurs, ni à Le Pen ni à tout autre : c’est cela la droite de demain. Crédible, authentique et convaincue. »