(Le tribunal judiciaire de Paris a suspendu l’irrecevabilité de votre candidature. La Haute-Autorité des Républicains avait jugé que vous n’aviez pas repris votre adhésion à temps. A-t-elle outrepassé ses droits ?
En édictant un guide électoral non conforme aux statuts et au règlement intérieur, la Haute-Autorité a en effet outrepassé ses droits et n’a pas respecté l’équité entre les candidats. On aurait pu admettre une simple erreur. En revanche, alors que mon avocat avait répondu en détail sur l’absence de fondement juridique à la prétendue irrecevabilité de ma candidature, la Haute Autorité n’a rien vouloir savoir et s’est obstinée, preuve d’une volonté manifeste de faire obstacle à ma candidature.
Pourquoi y aurait-il une volonté de vous écarter ? Que vous a dit le parti ?
En politique tout le monde sait que les critiques acerbes, les volontés de déstabilisation ou d’intimidation doivent être prises comme des hommages au fait que l’on existe, voire que l’on dérange, a fortiori quand certains ont peur de toute concurrence. Dans le cas présent, outre mon profil atypique de femme chef d’entreprise qui ne vit pas de la politique et bouscule «l’entre soi», je pense qu’il s’agit d’un refus du débat démocratique sur une ligne moins extrémiste.
Qu’entendez-vous par là ?
Déjà en juin 2018 j’avais dénoncé le rétrécissement de LR sur une ligne politique excluante qui avait conduit à mon départ de numéro 2 du parti au bout de six mois. Les mauvais résultats aux européennes de 2019 m’avaient pourtant donné raison et consécutivement Laurent Wauquiez avait été contraint de démissionner de la présidence de LR. Je n’ai cessé de prôner une droite équilibrée, à l’épicentre des droites, équidistante d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen, attachée à la restauration de l’ordre et à la défense des libertés. Et j’ai regretté que notre parti dit «de gouvernement» ait raté l’opportunité de ce que j’avais appelé « une cohabilitation » alors qu’Emmanuel Macron n’avait pas de majorité. Mais force est de constater que depuis des années les débat d’idées n’ont malheureusement plus leur place chez LR. Certains soutiens d’Eric Ciotti indiquent que son élection vaudra acceptation de la ligne et que tous ceux qui ne seraient pas en phase devraient quitter le parti, sorte d’épuration du mouvement à peine voilée.
C’est une accusation grave…
Il faut bien comprendre que derrière l’élection à la tête de LR se joue la ligne du parti pour les prochaines années. Certains ont déjà les yeux rivés sur 2027 et souhaitent la désignation d’office de Laurent Wauquiez comme candidat aux prochaines présidentielles. J’avais déclaré, fin août dans vos colonnes, qu’il me paraissait très prématuré de parler de 2027 et de désigner le candidat, et qu’il fallait d’abord s’atteler à la refondation d’un parti sans boussole.
Le tribunal ne s’est pas prononcé sur le fond. Vous avez 30 jours pour le saisir. Le ferez vous?
Oui ! J’ai été privée de 4 semaines de campagne pour des motifs fallacieux, et le bricolage de dernière minute de LR ne permet pas de compenser le préjudice subi. Au-delà de mon cas, ce sont des dizaines de milliers d’adhérents qui ont été injustement privés de leurs droits (dont celui de parrainer un candidat). Le juge des référés ne pouvait pas statuer sur le fond mais, eu égard aux attendus du jugement rendu et à la condamnation de LR, il est quasi certain qu’une procédure sur le fond à date fixe, soit dans un délai court, conduira à l’invalidation du processus électoral et permettra de repartir, enfin, sur des bases saines.
LR a annoncé le report du dépôt des parrainages. Vous avez un mois de plus, les autres candidats aussi. Est-ce satisfaisant ?
Je note que LR modifie soudain le Guide Electoral mais persiste dans la violation des textes fondateurs, à peine 72h après avoir été condamné ! C’est un comble ! En effet, l’article 25.1 du règlement intérieur stipule que la liste des candidats à l’élection du Président du Mouvement est établie par la Haute Autorité qui la rend publique 45 jours au moins avant le premier tour du scrutin. En repoussant désormais au 3 novembre le dépôt des parrainages, et au 17 novembre au plus tard la publication de la liste des candidats à l’élection (page 8 du Guide Electoral), la date de scrutin aurait donc dû être décalée au 3 janvier 2023 et non pas maintenue au 3 décembre 2022 comme l’indique le communiqué de LR. Ceci est non seulement contraire au règlement intérieur mais biaiserait une fois encore le processus électoral en réduisant d’1 mois la période de campagne officielle. Décidément cette élection est en train de virer à la farce !
Pensez vous obtenir les parrainages ?
Bien sûr, dans des conditions équitables et avec un calendrier normal. Je vous rappelle qu’il ne faut que 10 parlementaires et que les lignes Ciotti/Retailleau sont loin de faire l’unanimité à LR ! N’oubliez pas que j’ai été tête de liste aux Régionales en 2015 en Nouvelle Aquitaine, plus grande région de France, et j’ai gardé de solides liens avec les militants. Vous seriez surprise par le nombre de militants et d’élus qui ont été révoltés par ces manigances et qui m’ont envoyé leur parrainage en m’encourageant à ne pas lâcher.
Si vous ne les obtenez pas, quel candidat soutiendrez-vous ?
Ni droite vendéenne ni droite PACA, comme le dit très bien Rachida Dati. Je rappelle qu’Éric Ciotti avait indiqué qu’au second tour de l’élection présidentielle, entre Éric Zemmour et Emmanuel Macron, il voterait Éric Zemmour. Je rappelle également que Bruno Retailleau est issu de la droite vendéenne, très proche du mouvement « la Manif pour tous » et de son émanation « Sens commun », qui a soutenu Éric Zemmour aux dernières présidentielles, ce dernier prônant ouvertement l’union des droites, à l’instar de la Suède et de l’Italie. Je crois au contraire qu’il faut défendre l’héritage « Gaullo-chiraquo-sarkozyste » d’absence totale de porosité avec l’extrême droite y compris dans la rhétorique employée. Sans quoi LR deviendra le supplétif d’Eric Zemmour ou de Marine Le Pen, comme le PS s’est effacé derrière LFI dans la Nupès. Il faut faire rempart à l’union des droites, c’est tout le sens de ma candidature.