Plutôt que d’élargir le recours à la PMA, qui pourrait selon moi continuer à s’en tenir aux cas très circonstanciés d’infertilité pathologique, pourquoi le gouvernement ne profite-t-il pas de ce débat pour revenir sur les modalités d’adoption qui se transforme souvent en parcours du combattant ?

Fin novembre, le gouvernement présentera son projet de loi sur la bioéthique. Libérale, je crois plus aux « forces spontanées » qu’à la « coercition », et c’est pourquoi je préférerais que ce débat n’ait pas besoin du législateur. Mais ses conséquences potentielles sur l’enfant à naître, individu non-responsable, exige de fixer un cadre légal; une loi qui a la lourde tâche, pour reprendre une formule de Marguerite Yourcenar dans Mémoires d’Hadrien, « de ne pas retarder sur les mœurs ni de se mêler de les précéder ». Pour autant, la nécessaire prise en compte des progrès scientifiques ne doit pas nous conduire à faire fi des questionnements philosophiques, bien conscients avec Rabelais que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme ».

La gestation pour autrui (GPA), étant pour l’instant fort heureusement écartée, le point le plus clivant du processus législatif qui s’ouvre sera sans nul doute celui de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Il s’agit de prendre en compte dans la loi une « demande d’insémination artificielle avec donneur, pour procréer sans partenaire masculin, en dehors de toute infertilité », et cela « pour répondre à un désir d’enfant ».

Je crois pour ma part à ce désir et je ne dénierai à personne d’avoir chevillée au corps la volonté de fonder une famille, mais ce n’est pas pour autant un droit à l’enfant. Le désir d’enfant est légitime pour chacun de nous ; mais il serait pertinent que le débat qui s’annonce questionne aussi l’accompagnement de ce désir d’enfant. L’enfant dans notre monde d’adultes n’a pas son mot à dire dans nos débats ; pourtant, il n’y a pas de parentalité positive qui ne prépare l’accueil de l’enfant pour que le désir d’enfant – parfois très égocentré – puisse se transformer en processus d’attachement réciproque.

Lors de la loi Taubira, la lutte contre l’adoption par les couples homosexuels a été un des chevaux de bataille des opposants au texte. Pourtant, il me semble que l’erreur fondamentale est double. D’abord, j’oserai dire que la première erreur consiste à ne pas distinguer la conception de l’enfant, fruit d’un rapport charnel entre une femme et un homme, de l’éducation de l’enfant, qui est d’abord une exigence vis-à-vis des générations futures. En deuxième lieu, la vraie question est celle de la parentalité – dans ses formes multiples actuelles, pour que les enfants puissent devenir des adultes qui trouvent leur projet de vie.

C’est pourquoi, plutôt que d’élargir le recours à la PMA, qui pourrait selon moi continuer à s’en tenir aux cas très circonstanciés d’infertilité pathologique, pourquoi le gouvernement ne profite-t-il pas de ce débat pour revenir sur les modalités d’adoption qui se transforme souvent en parcours du combattant ? En effet, chaque année, des milliers de Français échouent à adopter. Les procédures, trop lourdes et inabouties, empêchent la rencontre pourtant si souhaitable entre un désir d’enfant et un besoin de parents.

Parallèlement, nous savons que beaucoup de géniteurs n’assurent pas leur rôle, voire subsistent sur le territoire national d’insoutenables situations de maltraitance. A l’étranger, dans de nombreux pays, des enfants ne voient toujours le monde qu’à travers les fenêtres de leur orphelinat, et leur nombre ne diminue pas. Pourtant, le nombre des adoptions internationales s’est effondré : en 2004, la France accueillait 4079 adoptions internationales ; en 2017, seules 685 adoptions internationales ont été réalisées (chiffres Mission Adoption Internationale).

Les discussions diplomatiques en vue de la signature de nouveaux accords bilatéraux entre la France et des pays où ces situations perdurent devraient être une priorité. Il est légitime que la France, comme d’autres pays, craigne les trafics à l’instar de l’affaire « arche de Zoé ». Mais à mettre trop de contraintes, on laisse ces orphelins grandir seuls, sans famille, dans des institutions, ou connaître de pires destins.

Comment ne pas agir, enfin, pour tous ces enfants contraints à la mendicité ou à la prostitution pour le compte de mafias internationales ? Ils doivent être retirés à leur milieu d’origine et mieux protégés.

Car au fond, tous ces enfants ne méritent-ils pas de grandir au sein d’une famille prête à leur donner l’éducation et l’affection requises ? Et que cette famille soit hétérosexuelle ou homosexuelle, dans un tel contexte, est-ce vraiment le cœur du débat ? Faciliter l’adoption est, pour moi, le premier des combats à mener.