Je refuse de voir la présidentielle, c’est à dire une élection déterminante pour la France, réduite à des polémiques qui nous empêcheraient d’analyser réellement les projets, d’évaluer les risques et les avantages des différentes propositions et de déterminer ce qui mérite d’être réformé dans notre pays.
Tribune de Virginie Calmels.
J’étais mardi matin l’invitée de France Inter. Nous devions y parler, entre autres, de l’affaire Théo et des incidents de Bobigny. De la police et de son rôle. De la justice et de ses perspectives.
Nous aurions pu y parler d’économie dans un pays où il y a plus de 6,5 millions de chômeurs toutes catégories confondues, de la lutte contre la misère dans un pays qui compte 9 millions de pauvres, des dépenses des administrations publiques dans un pays où elles représentent 57% du PIB.
Au lieu de cela, nous avons repassé, une fois encore, le feuilleton du moment et consacré la totalité de l’interview à la polémique sur l’emploi d’attachée parlementaire de Pénélope Fillon.
Entendons-nous bien : je ne refuse jamais de répondre aux questions des journalistes. Ils en sont responsables et ils expriment, à travers elles, des préoccupations légitimes de l’opinion.
Mais ce que je n’accepte pas, c’est de voir les idées, celles d’une droite française qui a un projet à défendre et des valeurs à porter, mises de côté au profit de discussions sans fin sur la base d’éléments cuits et recuits à feu doux. Je refuse de voir la présidentielle, c’est à dire une élection déterminante pour la France, réduite à des polémiques qui nous empêcheraient d’analyser réellement les projets, d’évaluer les risques et les avantages des différentes propositions et de déterminer ce qui mérite d’être réformé dans notre pays. Bien entendu, la justice doit faire son travail. Je n’ai aucune volonté de minimiser quoi que ce soit mais les seuls juges sont ceux qui disposent des éléments et qui mènent l’enquête. Il ne peut pas y avoir de procureurs autoproclamés, il ne peut y avoir de procès en sorcellerie, il ne peut y avoir de viols quotidiens du secret de l’instruction. Or, au fil de cette interview, qui ne constitue qu’un exemple parmi d’autres, nous avons exclusivement parlé de cette affaire. Les mêmes questions revenaient en boucle, appelant les mêmes réponses.
Le jour même, France Info, autre service public de l’information, qui relaie des bribes de cette interview de France Inter, coupe ma déclaration où j’annonce qu’Alain Juppé préside le comité de soutien à François Fillon en Gironde ; pourtant dans un contexte où la gauche est divisée, et où la droite est au prise avec ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Fillon » cette information de l’union de la famille de la droite que représente la présidence d’Alain Juppe n’est pas anecdotique.
Le lendemain, France Info s’en prend à moi dans un article surprenant, où le journaliste prend, sous couvert d’un « vrai/faux », le parti de nier le fléau du chômage des jeunes en faisant une mauvaise interprétation de mon propos : j’ai dit qu’il il y avait « un jeune sur 4 au chômage », sous entendant évidemment « 1 jeune actif sur 4 ». Tout le monde comprend pourtant bien que l’on n’inclut évidemment pas les étudiants ou les lycéens lorsque l’on parle de « chômage des jeunes ». Et seul le taux de 24% est évoqué lorsqu’on se compare à l’Allemagne (environ 7%) ou à l’Angleterre (environ 11%). Il est troublant qu’un organe de presse du service public cherche à contredire un chiffre correct, reconnu de tous et fourni par le l’INSEE, et à communiquer sur un taux de 10% qui n’a aucun sens économique puisqu’il inclut tous les jeunes (étudiants et lycéens) et pas seulement les jeunes actifs, et qui minimise de facto le fléau auquel on est confronté. Je ne pense pas que cela soit en cherchant systématiquement à nuire à la crédibilité de l’invité que l’on favorise une information de qualité. En somme, si France Inter, France Info, et d’autres médias nationaux continuent à traiter leurs invités comme ils le font, il n’y aura plus grand monde à leurs micros. Et l’on observera alors un phénomène proche de celui visible aux Etats-Unis où un Donald Trump, en guerre ouverte contre les médias, fait tout pour les écarter en usant de ses propres canaux de communication. J’espère qu’en France nous n’en arriverons pas là !
En politique, « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Chaque mot doit être pesé, réfléchi et doit traduire au mieux la pensée de celui qui s’exprime. La responsabilité d’une personne publique, plus encore lorsqu’elle est comme moi aux prémisses de son engagement, est immense et exigeante. On peut malheureusement commettre des maladresses et je m’en excuse auprès des vraies mesdames Dupont/d.
Mais je crois aussi, et je suis certaine que beaucoup d’entre eux seront capables de l’entendre, que la responsabilité journalistique est tout aussi grande. Chers journalistes, cherchez l’information plus que le buzz, l’argumentation plus que la polémique. Permettez au politique qui s’exprime à votre micro de préciser son propos plutôt que de focaliser les crispations sur ce qui est incomplet. Challengez-le sur la crédibilité de ses propositions mais laissez-lui toujours la possibilité de répondre. Et alors, seulement, le débat public s’en trouvera apaisé et permettra à chaque citoyen de faire son choix en connaissance de causes.
Vœu pieu ? Je veux croire que non.