Virginie Calmels a répondu à l’invitation du think-tank « Droite de demain » pour décrire sa vision de la droite. 

Propos recueillis par Paul Gallard. 

« Vouloir encourager le libéralisme économique ne signifie pas l’absence de régulation » – Virginie Calmels

Virginie Calmels a pris du recul avec la vie politique pour renouer avec son métier de chef d’entreprise comme présidente fondatrice de l’école des métiers de demain dans les industries créatives FUTURAe et administratrice de diverses entreprises (Iliad (Free), Assystem, présidente du conseil stratégique du groupe Oui Care).

(P. Gallard) Bonjour madame Calmels, à l’heure où beaucoup des candidats se placent idéologiquement dans le libéralisme, quelle est votre vision du libéralisme économique ?

(V. Calmels) Pour moi le libéralisme économique est une nécessité :

  • Parce que nous préférons l’initiative individuelle et l’entreprise privée au dirigisme étatique,
  • Parce que nous pensons que l’Etat doit cesser de se mêler de tout pour se concentrer sur ses fonctions régaliennes et notamment assurer la sécurité de nos concitoyens, première des libertés,
  • Parce que nous croyons en la décentralisation et dans la capacité pour nos territoires à proposer des expérimentations innovantes,
  • Parce que nous croyons que les Français doivent pouvoir jouir librement du fruit de leur travail sans être matraqués par une fiscalité confiscatoire,
  • Parce que nous croyons qu’il n’est pas responsable de laisser par lâcheté à nos enfants la charge insupportable d’une dette financière et environnementale,
  • Parce que nous croyons que la prise en compte des défis environnementaux qui nous font face sera la clé de la croissance et donc, des emplois de demain,
  • Parce que nous ne nous retrouvons pas dans le dirigisme hyper-centralisateur et technocratique.
La droite peut-elle être libérale ?

Pour moi la question n’est pas de savoir si elle PEUT l’être car il suffit simplement d’en avoir la volonté politique et le courage de l’assumer. Il me semble qu’elle DOIT l’être car ce sont non seulement mes convictions profondes mais également un positionnement très différenciant face à la technocratie centralisatrice et étatiste à laquelle notre pays a été trop habitué que l’on soit gouverné par la droite, la gauche ou En Marche. Le libéralisme est finalement ce que l’on n’a jamais vraiment essayé en France sauf sous Edouard Balladur et ça s’était soldé par un succès en termes d’indicateurs économiques clés.

Les Etats-Unis et la Chine ont fait le choix de ne pas interdire les monopoles économiques, l’objectif était de faire monter des champions qui font rayonner leur pays à l’international, est-ce une stratégie viable pour l’Union européenne ?

Pour moi la concurrence reste le meilleur des modèles en ce qu’il pousse à l’innovation, à l’optimisation et à la qualité. Néanmoins avoir des champions européens dans des domaines économiques stratégiques tel que l’aviation (Airbus), l’espace (Ariane), etc. fait sens et devrait être encouragé dans le domaine de l’intelligence artificielle par exemple où les investissements doivent être massifs et ne pourront se limiter à une approche par pays.

Comment empêcher le marché de basculer vers une forme de capitalisme sauvage ? La régulation est-elle possible ?

Vouloir encourager le libéralisme économique ne signifie pas l’absence de régulation, bien au contraire. Il est important de développer des garde-fous et d’avoir une régulation qui ne soit pas une régulation de punition mais d’accompagnement.

La droite propose un choc de fiscalité, cela va dans le bon sens ?

Absolument, nous ne pouvons pas continuer avec une fiscalité aussi élevée tant pour les entreprises que pour les ménages. La baisse des impôts de production qui impactent les entreprises quel que soit le niveau de marge est une nécessité pour redonner aux entreprises de la compétitivité. Les impôts de production sont déconnectés des performances économiques des entreprises ce qui est absurde. Dans le cadre du plan de relance une baisse de 10Mds d’euros a été décidée, ce qui est une bonne mesure. Mais il faudrait aller plus loin. Car le niveau des impôts de production restera au-dessus de la moyenne européenne représentant 3,1% du PIB en France contre 1,2% dans la zone euro. Pour réellement participer à la réindustrialisation de la France, on voit donc qu’il y a encore du chemin à parcourir à tel point que ce sujet s’invite dans la campagne présidentielle. Pour ramener ces impôts au niveau européen il faudrait une baisse de 33 milliards d’euros ; avec une telle baisse ce serait 750.000 emplois créés et une spirale vertueuse de hausse du rendement d’IR, de TVA, de cotisations sociales et de baisse des dépenses liées au chômage. Car n’oublions pas que baisser les impôts de production, ce n’est pas faire un cadeau aux riches ou aux patrons comme on l’entend parfois, c’est avant tout redonner de la compétitivité aux entreprises et in fine, dans la majeure partie des cas, du pouvoir d’achat aux salariés. Enfin dans la politique qui est actuellement menée, on peut relever que la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, n’a pas fait l’objet de réforme importante alors même qu’elle taxe le chiffre d’affaires des grandes entreprises et peut donc les pénaliser dans leurs exportations. A l’heure où notre balance commerciale a atteint un déficit supérieur à 85 milliards d’euros en 2021, une politique économique ambitieuse pour le commerce extérieur fait défaut. Et puis la transformation du CICE en baisse de charges patronales a été positive mais se concentre sur les bas salaires uniquement. Les cotisations des employeurs représentent tout de même 10,8% du PIB en 2020 en France contre 8,1% du PIB en moyenne dans la zone euro.

Mais quid du financement de ces mesures ?

Bien sûr se posera l’épineuse question du financement de ces mesures. Si la baisse de la fiscalité des entreprises est un sujet prégnant à l’aune de la campagne présidentielle, la diminution de la dette publique est un enjeu tout aussi crucial. Malheureusement après le Covid, la guerre en Ukraine va contribuer à occulter cette question. Pourtant avec une dette publique qui atteint près de 115% du PIB et une dépense publique représentant 60% du PIB en 2021, on est en droit de se demander quelles seront les marges de manœuvre du futur Président et de son gouvernement pour alléger la fiscalité des entreprises tout en préservant les comptes publics ?

Au fond, le sujet n’est pas tant de baisser tel impôt ou de supprimer tel autre, mais plutôt de repenser notre modèle et de trouver un système plus juste. Il faudra donc un jour se poser la question du système dans son ensemble.