Paru le 14 mars 2018, J’assume, le premier livre de Virginie Calmels, revient sur les quatre années précédentes et retrace l’engagement politique de la femme d’entreprise qui a rejoint l’équipe municipale d’Alain Juppé à Bordeaux. Campagne municipale à Bordeaux, tête de liste pour les élections régionales en Nouvelle-Aquitaine, primaire de la droite, campagne présidentielle, élection au côté de Laurent Wauquiez pour la présidence du parti, … Virginie Calmels vous raconte l’histoire de son engagement.
Retrouvez un extrait du livre de Virginie Calmels sur sa vision du positionnement politique de la droite :
La fougue, l’allant, l’énergie, la jeunesse, le renouvellement incarnés par Emmanuel Macron auraient pu me séduire. Mais si on parle du clivage gauche droite, ou du clivage pro‐ vs anti‐européen, ou du clivage conservateur‐progressiste, on oublie selon moi le clivage le plus important que je pourrai résumer sur ces trois axes majeurs : étatiste/libéral, centralisateur/ décentralisateur – ou jacobin/girondin – et technocrate/ entrepreneur.
(…)
J’ai passé plus de vingt ans dans l’entreprise privée et je crois en la réduction drastique de la dépense publique sans réduire les services publics prioritaires, voire en les renforçant au contraire. Je suis profondément convaincue que notre pays souffre d’une suradministration et que l’État doit se concentrer d’abord et avant tout sur ses missions régaliennes. Je crois en la décentralisation des décisions et des moyens financiers inhérents et en la redéfinition des missions de l’État. Je ne crois pas que l’Élysée puisse résoudre tous les maux dont le pays souffre et je crois encore moins que tout doit passer par l’Élysée. Certains poncifs ont la vie longue comme celui qui prétend que notre pays serait trop libéral. Les gauches comme le FN s’emploient à répéter cette contre‐vérité au minimum à chaque rendez‐vous électoral et en réalité à l’approche de discussions de chaque grande réforme coupable de tuer le fameux « modèle français ». Si un jour le fact-checking parvenait à conquérir ses lettres de noblesse, alors on apprendrait dans les livres d’économies de classe de seconde qu’avec des prélèvements sociaux représentant 47 % du PIB et une dépense publique s’élevant à 57 % du PIB, la France est l’un des pays occidentaux des plus étatistes, centralisateurs et surtout suradministrés. Un « trop d’État » qui freine les initiatives et le développement économique. Avec neuf millions de pauvres et six millions de chômeurs, force est de constater que l’État‐providence, « l’État nounou », a échoué. En réalité, nous n’avons jamais eu en France ni de vraie politique libérale ni de totale décentralisation.
Je suis profondément un produit de la société française méritocratique, issue d’une culture du travail et du résultat. Je n’adhère ni à l’esprit de corps ni à la défense des castes, y compris celle des fonctionnaires, par principe. Je reconnais la compétence et le talent dans la fonction publique et je les trouve peu rémunérés, mal valorisés et sous‐utilisés. Je suis intimement convaincue que la suradministration et l’étatisme forcenés conduisent à une gestion désastreuse de la dépense publique, et qu’il faudrait du courage politique réel et une capacité d’exécution pour y remédier. Lutter contre l’absentéisme en restaurant le bien‐être au travail, redonner des objectifs, de la motivation et de la reconnaissance à six millions de fonctionnaires : oui, je suis pour en limiter le nombre, mieux les rémunérer et les encadrer. Mais comme il est difficile pour des hauts fonctionnaires de s’attaquer à la baisse du nombre de fonctionnaires… Voilà le nœud gordien quand on sait que le staff gouvernemental est majoritairement composée d’énarques, pour beaucoup inspecteurs des finances. Force est de constater que la présence massive d’énarques, non pas seulement dans la haute administration mais au cœur même de la classe politique, peut expliquer en partie l’étatisme que notre pays a connu et connaît encore aujourd’hui.
Je suis également profondément convaincue que notre pays a besoin d’une thérapie de choc dans la sphère économique et fiscale et qu’on ne peut plus se satisfaire de « mesurettes ». L’allègement des charges et des impôts pour restaurer la compétitivité des entreprises et améliorer le net après impôts des salariés doit être massif pour réellement produire des résultats, mais son seul préalable c’est une baisse massive de la dépense publique qui n’est atteignable qu’en décalant à soixante‐cinq ans l’âge de la retraite, qu’en harmonisant les régimes de retraite et qu’en manageant autrement la fonction publique.
Je poursuis un idéal de justice. Je revendique une volonté de lutter contre le déclassement. J’aspire à la restauration de l’ascenseur social et à la multiplication de success stories comme je peux, d’une certaine façon, moi‐même l’incarner à ma petite échelle. Dans les banlieues, dans les territoires ruraux, partout… c’est cet american dream à la française qu’il faut inventer, cette capacité à démontrer qu’avec du travail il est possible de s’en sortir, encore faut‐il œuvrer pour que ces emplois se créent et pour que travailler permette de mieux gagner sa vie que le cumul des aides sociales et d’un travail au noir.
Je prône la liberté, la responsabilité et la défense de la propriété.
Par ailleurs, je crois qu’il est plus que temps de sortir des dénis successifs en matière de communautarisme et de prendre conscience du risque de voir imposé un islam politique dans notre pays. Je refuse de laisser croire que les questions sur l’immigration sont l’apanage de l’extrême droite mais prétends qu’elles sont de bon sens par rapport à notre quotidien et qu’elles s’imposent partout dans le débat sur le territoire français. Et dès lors qu’on y répond, non pas par la haine, le rejet ou le repli sur soi mais par le pragmatisme, l’ouverture au monde et l’intégration, on peut ouvrir la porte à une nation rassemblée. Mais pour cela il est nécessaire d’instaurer des quotas comme au Canada, de ne pas confondre réfugiés politiques et immigration illégale, de faire respecter les lois de reconduction aux frontières, d’afficher la tolérance zéro face à des groupes de délinquants qui, pour certains, offrent le terreau idéal à la radicalisation et forment en leur sein de futurs djihadistes. Je prône donc l’instauration d’un état régalien fort doté de moyens supplémentaires puissants. Il en va pour moi de la dissuasion mais aussi de la capacité d’intervention et de sa propre défense. Le débat n’est plus entre intégration et assimilation car cela fait déjà bien longtemps que l’intégration est en échec, faute, entre autre, de prospérité suffisante de notre pays. À cet égard, j’ai découvert avec stupeur à la rentrée scolaire 2017 que les écoles publiques proposent des cours d’arabe aux enfants du CE1 au CM2 dont c’est la langue maternelle. « Le principe qui fonde ces enseignements, à l’origine, est que la maîtrise de la langue maternelle est un préalable nécessaire à la réussite d’une langue seconde » selon la directive européenne qui s’applique. Certains maires de communes rurales se voient même contraints d’ouvrir leur école le samedi pour dispenser ces cours d’arabe. Est‐ce vrai‐ ment le rôle de l’Éducation nationale ?
En 2016, une étude de l’essayiste Hakim El Karoui indiquait que 50 % des musulmans de moins de vingt‐ cinq ans déclaraient placer la charia au‐dessus des lois de la République. Un nombre qui fait froid dans le dos. Si nous ne pouvons que souhaiter qu’un islam de France éclairé se structure, force est de constater que ça n’a toujours pas été le cas et que ces sujets méritent d’être mentionnés avec courage pour ouvrir les yeux sur leur complexité et sur la nécessité de les traiter avec toute la réflexion qui s’impose.
Plus que jamais le débat est bien dans la défense de nos racines, de notre histoire, de notre culture. La tolérance, l’acceptation de la différence, le respect de l’altérité sont de belles valeurs tant qu’on ne passe pas à côté du bon sens, en créant des systèmes qui ne peuvent être compris et acceptés par tant de Français. Ainsi l’aide médicale d’État est une belle philosophie universaliste, mais comment expliquer à des millions de Français qui ont cotisé toute leur vie et qui ne peuvent plus se payer des soins dentaires, l’âge de la retraite venu, que près d’un milliard d’euros est consacré aux soins, pas uniquement d’urgence, d’étrangers sur notre sol n’ayant jamais cotisé ?
On pourrait débattre à l’infini de ce sujet qui touche à la façon de répartir notre richesse, mais notre problème est bien plus grave, il tient à celui de la création de richesses. C’est pourquoi il est nécessaire d’être ambitieux en matière économique comme évoqué précédemment.
Enfin, un sujet qui m’importe beaucoup et me tient à cœur est la question de l’Europe. Sans l’Europe, la France ne peut faire partie du concert des grandes nations. Mais sans une réforme de l’Europe actuelle, c’est la France que nous condamnons de nous‐mêmes au déclin. J’aime profondément l’Europe, j’ai d’ailleurs travaillé plusieurs mois aux Pays‐Bas et j’ai adoré cette expérience. Je pense qu’un citoyen a toujours intérêt à s’enrichir de l’autre, de ses voisins. Sans cela on devient sectaire, fermé, obtus. Il faut s’ouvrir au monde, construire, bâtir un collectif, et en cela l’aventure européenne est merveilleuse. Cependant, il faut retrouver de nouveaux fondements. Lorsque l’Europe s’est formée, c’était pour éviter la guerre, bâtir une grande alliance en plein contexte de guerre froide, resserrer les liens entre l’Allemagne et la France qui s’étaient affrontées par trois fois en soixante‐dix ans. Pendant longtemps, les générations de mes parents et de mes grands‐parents ont cru en cet idéal offrant un rempart contre une Europe à nouveau ensanglantée par les conflits. Aujourd’hui, le risque de guerre au sein du continent européen est quasi nul. Il s’est déplacé et a changé de formes. Et puisque cet argument ne tient plus, nos jeunes générations ont du mal à lui trouver un sens. Erasmus peut aider, mais seuls 5 % des étudiants européens en profite. Le premier quart du XXe siècle est celui de la quête de sens. C’est à la jeunesse de reconstruire l’Europe, de dessiner ce qu’elle souhaite pour les années à venir. Les plus âgés ont fait leur temps, l’Europe du XXe siècle appartient aux jeunes générations. Quel avenir veulent‐ils ? C’est à eux et à nous d’y répondre. Il faut porter un nouveau souffle, sinon tout s’écroulera. Alors, quelle Europe ? Je suis libérale, pro‐européenne, mais je l’affirme clairement et sans ambiguïté : je refuse catégoriquement une Europe fédérale, technocratique et dirigiste, qui ferait définitivement perdre à la France sa souveraineté, qui la condamnerait à renoncer à sa culture et à sa spécificité et qui étoufferait nos citoyens. Je ne crois pas au modèle de « start‐up nation » d’Emmanuel Macron. La France est une grande nation, elle n’a pas vocation à se dissoudre au sein de l’Union européenne. Si le discours de la Sorbonne du président avait des élans philosophiques pro‐européens séduisants, je combats avec vigueur le projet qu’il porte vers plus de fédéralisme. Contrairement à ce que certains essayent de faire croire, notre troisième voie, entre le projet fou de Marine Le Pen – on ne sait plus trop ce qu’elle pense d’ailleurs – et celui fédéraliste de Macron, est résolument pro‐européenne. Quelle Europe voulons‐nous ? Il y a cette peur béante de notre classe politique, depuis des années, d’oser critiquer l’Europe actuelle. Comme si tout se passait bien. Comme s’il n’y avait pas de crise migratoire à régler, de crise agricole, industrielle, ou de crise économique. L’Europe à cercles a déjà été proposée par quelqu’un en qui j’ai une profonde admiration et qui n’est pas connu pour son euroscepticisme : Édouard Balladur. Il faut être capable de recréer un noyau dur de pays européens avec plus de convergences économiques et fiscales. Un taux d’impôt sur les sociétés qui serait uniformisé et rabaissé autour de 20 %. Un Code du travail similaire, pour éviter le dumping social à l’intérieur du noyau dur de l’Union européenne. Plus de collaborations, de synergies. Il faudra débattre pour déterminer les contours les plus efficients de ce noyau dur, comme il faudra débattre de la façon la plus pragmatique d’y parvenir – renégociation des traités, propositions concrètes, etc. Ensuite, la zone euro pourrait constituer un deuxième cercle. Et pour finir, une vaste zone de libre‐échange, qui permettrait également de ramener dans notre giron nos voisins britanniques.
L’Europe que j’aimerais serait bâtie avec infiniment moins de normes déconnectées de la réalité. Elle mettrait fin à la technocratie, à l’opacité, à l’empilement de règles et de taxes. Nos dirigeants n’ont pas conscience que c’est bien souvent le seul lien que nos artisans et entrepreneurs ont avec l’UE. Quels sentiments en gardent‐ils si on les matraque en permanence par des règles venues d’ailleurs ?
Cette Europe, je la rêve également résolument au service de notre sécurité. Avec plus de coopération entre nos services de police européens et nos renseignements. Une Europe capable de s’entendre pour travailler sur de véritables projets de défense. Une Europe qui a sa place dans l’OTAN, mais qui retrouverait son indépendance vis‐à‐vis des États‐Unis. Cette Europe devra également gérer une des plus graves crises migratoires de son histoire. Le contrôle aux frontières européennes devra être renforcé. Un plan de coopération avec les pays étrangers dont sont issus les principaux migrants devra être établi. Nous devons réformer les accords de Schengen, qui ne sont plus adaptés à la situation actuelle. Surtout, l’élargissement de Schengen à des pays de l’Est comme la Roumanie doit être fermement condamné. Encore un point de divergence avec le gouvernement d’Emmanuel Macron. Il faut stopper l’immigration illégale, et passer d’une logique d’immigration de masse à une immigration ciblée, en fonction de nos moyens, d’accords avec les pays d’origines, et d’emplois à la clé. Mais on ne peut se contenter de pousser un projet fort de contrôle de l’immigration au niveau national sans le porter au niveau européen, au moins du premier cercle, du noyau dur. À moins de rétablir totalement le contrôle de nos frontières nationales, ce qui serait non seulement une folie économique, mais également une impossibilité matérielle. Ce projet de durcissement du regroupement familial et des quotas d’immigration doit être porté par la France mais aussi l’Europe.
Il faut également instaurer une Europe des projets, notamment sur les sujets technologiques tel que l’intelligence artificielle. Investir massivement dans la recherche, mais également créer les conditions au niveau européen de voir de grands acteurs émerger, qui pourraient concurrence les GAFA. Je suis toujours étonnée de voir qu’alors que les États‐Unis et la Chine cherchent à être leaders dans ces domaines, l’Europe n’y consacre que de faibles investissements. Sans oublier la question monétaire.
Ce que je souhaite en fin de compte c’est une Europe forte, une Europe de la culture, constituée d’États‐nations puissants. Nous ne devons pas perdre notre souveraineté. Mais il ne faut pas être naïfs et croire qu’on s’en sortira seuls, en tombant dans un discours bêtement souverainiste. L’Union européenne a fait la grave erreur d’accélérer le processus de construction politique, plus rapidement que le volet économique, et s’est ainsi mis à dos une partie des citoyens.
La vision « eurocritique » à laquelle je crois et que la majeure partie de la droite défend, est aux antipodes du projet de Marine Le Pen qui prône la sortie de l’euro, l’immigration zéro ou le rétablissement total de nos frontières.
Mon aspiration à une politique intérieure luttant contre l’étatisme dans la sphère économique et donnant à l’État toute sa place dans ses missions régaliennes s’accompagne d’une volonté farouche que nous nous dotions d’une réelle politique industrielle pour aborder les défis de la troisième révolution industrielle qui conduira à une destruction et – on l’espère – à une création massives d’emplois. Le seul niveau approprié pour faire face à ces enjeux et aux investissements nécessaires est le niveau européen du premier cercle, le noyau dur. Bien sûr, en France, nous devrons lutter contre la technocratie et la surtransposition des normes européennes et repenser le droit de la concurrence qui empêche des géants européens d’émerger. Ce que nous voulons c’est l’approfondissement de l’Europe et non pas l’élargissement prôné par les euro‐béats.
Mon envie est simple : FAIRE et remettre du bon sens dans l’action. Oser parler vrai et fuir la démagogie. Mais assumer être de droite aujourd’hui n’est pas tendance, voire s’éloigne du politiquement correct. La mauvaise foi généralisée trouble le débat public et confisque la réflexion de fond. La caricature, y compris entre membres d’une même famille politique, dénature totalement les projets, les idées, les convictions. Mais surtout, et c’est sans doute le plus triste de mes constats, les intérêts personnels dominent tout.